Analyse : la promesse de ClassicPress, le petit frère de WordPress

Par , Le 16 novembre 2019 (Temps de lecture estimé : 15 min)

Au printemps 2019, Automattic proposait une mise à jour de WordPress, en changeant son éditeur de contenu qui datait quasiment des origines du célèbre CMS. Suite à cette mise à jour, quelques irréductibles développeurs ont alors proposé une alternative : Classicpress.

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Fin 2018, Automattic, l’éditeur de WordPress anticipait un virage à 180 degrés, en annonçant les changements majeurs qu’allait apporter la nouvelle mise à jour de WordPress. Parmi ces mises à jour, il y avait en tête de liste le remplacement de l’éditeur classique de WordPress par Gutenberg. Nous reviendrons plus loin sur ce qu’est Gutenberg. Toujours est-il que très rapidement, nous avons pu observer deux réactions tout à fait prévisibles : des pour, et des contres (il est d’ailleurs intéressant de noter que cette seconde catégorie est beaucoup plus présente parmi les anglophones).

L’objectif d’Automattic était simple à ce moment : prévenir les utilisateurs et les concepteurs pour qu’ils puissent anticiper cette mise à jour, et s’approprier Gutenberg en attendant celle-ci (mais comme le dit très bien l’article de SEO Mix, communiquer ne veut pas dire être lu). Car Gutenberg, initialement c’est un plugin WordPress permettant une édition de contenus avec des blocs, plutôt qu’avec du texte au kilomètre. J’ai donc pris soin de l’installer et de l’essayer, afin de me faire à ce nouvel outil. Autant te dire que si l’expérience m’a laissé un souvenir impérissable, ce n’est pas pour le meilleur (on va y revenir). Et malheureusement, nous sommes nombreux dans ce cas. Une équipe de développeurs a alors jugé bon de proposer un fork : Classicpress était né.

Si tu es néophyte en la matière, alors une précision s’impose : un fork, cela signifie concrètement qu’à partir de WordPress, ils en ont créé une version dérivée, un embranchement plus ou moins indépendant. WordPress étant un projet open source, c’est tout à fait légal. Mais ils ne se sont pas arrêtés là, et c’est ce qui rend l’outil suffisamment intéressant pour le préférer à son grand frère.

Une précision, ami lecteur : si tu connais L’Aetherium, tu sais qui je suis. Mais si ce n’est pas le cas, je précise que je ne suis pas développeur. J’ai certes un bon bagage front-end, des bases de PHP, mais je demeure un designer graphique et un communicant avant tout. C’est donc au travers de mon propre prisme que je décortique ce sujet, en regardant midi à ma porte. Nul doute qu’il y a d’autres angles de vue à adopter pour compléter cette comparaison entre WordPress et Classicpress.

L’arrivée de WordPress 5.0

Le problème Gutenberg

Comme je le disais plus haut, initialement Gutenberg est un plugin WordPress permettant une édition de contenus avec des blocs, plutôt qu’avec du texte au kilomètre. Jusque là rien de bien méchant, puisque de nombreux outils proposent des alternatives pour mettre en page du contenu dans WordPress. Une des particularités de Gutenberg est qu’il est désormais nativement intégré aux articles. Et son arrivée a d’entrée de jeu posé plusieurs questions :

  • Est-ce que les thèmes et plugins qui datent parfois de quelques mois seront compatibles ?
  • Quid de l’édition des contenus par les clients qui ont besoin d’un outil simple et rudimentaire, pour ne pas détruire la cohérence visuelle du site ?
  • Est-ce que le code généré est propre ? (spoiler : non)
  • Est-ce que ce changement sera le seul ?
  • A-t-on notre mot à dire ? (spoiler : non)

Ces questionnements sont d’autant plus légitimes, qu’avant même d’être retenu par Automattic pour être intégré au cœur de WordPress, Gutenberg souffrait déjà de très mauvaises critiques. De plus, il n’avait été testé que sur quelques milliers d’installations. C’était donc loin d’être un plugin populaire. Mais qu’à cela ne tienne, avant de juger il faut tester ! Et d’après l’éloge que la blogosphère WordPress francophone en faisait, je partais plutôt confiant. J’avais donc pris le temps d’installer ledit plugin sur un WordPress de test, suite à l’annonce qui en avait été faite.

Quelle ne fut alors pas ma déception de voir un outil qui n’avait que pour but de satisfaire les utilisateurs lambdas en se rapprochant de Wix. Le but de Gutenberg n’est pas de faciliter la mise en page, son but est de permettre aux gens de faire ce qu’ils veulent en s’assoyant allègrement sur le design graphique du site Internet (tu sais, ce truc qui assure la cohérence visuelle véhicule des messages, favorise la navigation, etc.). Mais en face, il y a deux écueils :

  • Les personnes en difficulté numérique, voire en fracture, et pour qui Gutenberg ressemble davantage au labyrinthe du film « Le Nom de la Rose » (oui, je sais que c’est un livre à l’origine, mais le labyrinthe du film est encore plus complexe que celui du livre). Soit, environ 13 millions de Français. Et parmi mes clients, environ la moitié est concernée.
  • Et parce que ce n’est pas leur métier, tous ceux qui ne comprennent pas le design graphique. Le plus souvent par ignorance, ces personnes ont déjà tendance à utiliser l’éditeur classique à tort et à travers. Gutenberg multipliant les possibilités, le potentiel d’aberration allant occuper les temps de maintenance augmente alors considérablement. Bien au contraire, ces personnes vont y voir un gadget offrant plein de possibilités. Retour assuré des pages web bariolées.

Je suis toujours content quand un client me passe un contrat de maintenance, mais j’ai franchement mieux à faire que de passer mon temps à corriger des égarements. Alors certains te diront qu’il y a Classic Editor pour remédier au problème, certes. Mais malheureusement c’est une solution incertaine ; j’y reviens plus loin. Les Anglo-saxons ont eu globalement des avis beaucoup moins tranchés : on pouvait alors observer autant de défenseurs de Gutenberg que de détracteurs.

Incompatibilités en série

Mais WordPress 5, ce n’est pas qu’une question de design graphique. Avec le passage à cette nouvelle version, nous avons pu observer plusieurs plugins tomber en rade. Facilement remplaçables pour la plupart, quand ils n’étaient pas mis à jour rapidement par leur éditeur. Mais il y en a d’autres pour lesquels cela s’est avéré plus complexe, et ce n’était pas Classic Editor qui allait résoudre le problème. Pour les néophytes, Classic Editor est donc un plugin proposé par l’éditeur de WordPress, et qui permet d’avoir accès à l’ancien mode d’édition. Pour en revenir à nos moutons, j’ai aussi vu des plugins buguer sans aucun lien avec l’éditeur de WordPress, qui se sont remis à fonctionner sous l’effet de Classic Editor. Bref, c’était parfois à n’y rien comprendre. Toutes mes installations de WordPress n’étaient pas concernées, bien heureusement. Seulement quelques-unes, ce qui est assez pour me poser problème.

Il en est de même avec plusieurs thèmes WordPress, pour lesquels le passage à WordPress 5 a été problématique. Si Classic Editor a pu corriger le tir de temps en temps, il m’a fallu trouver une autre solution pour quelques-uns d’entre eux (spoiler : ça commence par Classic et ça finit par press). Alors peut-être que quelques développeurs qui me lisent se diront que de mauvais choix techniques ont pu être faits, j’en passe et des meilleures. Je ne suis pas développeur, certes, mais je ne suis pas débile non plus et je travaille avec des développeurs. En dehors d’un vieux site e-commerce pour lequel ce type de bug était clairement attendu, c’était à n’y rien comprendre pour les autres. Et quand un CMS se targue d’avoir autant de sites à l’utiliser, j’estime qu’il a une responsabilité à assurer de la compatibilité suite à des changements d’envergure. Au lieu de ça, Automattic n’a fait que profiter de sa situation de quasi-monopole pour céder à la facilité.

Et quand j’ai mis en place de nouveaux WordPress, tandis que la v5 venait juste de sortir : je ne te dis pas le nombre d’heures que j’ai perdu ! Des bugs de la page blanche, en veux-tu, en voilà ! Et ni Classic Editor ni aucun autre outil ne semblait résoudre le problème. Il est inutile de préciser que Samuel, Xavier et moi-même travaillons chacun avec des outils pros uniquement, ce type de problème en série était donc d’autant plus louche. Après de nombreuses heures perdues, et autant de recherches Google, Classicpress s’est donc présenté comme une véritable alternative.

La rustine de Classic Editor

Voilà, c’est dit : Classic Editor, c’est une rustine. Déjà, parce que Gutenberg n’est pas la seule modification majeure de WordPress. Donc pour tout ce qui n’a pas trait avec l’édition, mais qui subit les affres de WordPress 5, Classic Editor ne sert à rien. Et c’est sans parler des bugs qu’a pu apporter cette extension,

Ensuite, il faut noter une chose importante : Automattic a bien dit que leur outil Classic Editor aura une durée de vie limitée. Cela signifie donc qu’à terme, les utilisateurs sous WordPress se verront imposer Gutenberg. Je rappelle que l’objectif d’Automattic est quand même de faire évoluer WordPress vers quelque chose de totalement différent. Si on peut légitimement penser que d’autres plugins verront le jour pour compenser, on peut aussi imaginer qu’Automattic fasse tout pour limiter la diffusion de ce type d’outils, voir leur existence.

Bref, miser sur Classic Editor est aussi incertain que de parier sur un combat de furets organisé par le tavernier de Kaamelott. Ça peut marcher. Avec beaucoup de chance.

Un changement de cap malvenu

En choisissant Gutenberg, Automattic a volontairement fait le choix de se concentrer sur le grand public, au détriment des concepteurs. Il ne fait aucun doute que l’objectif est de se rapprocher de plateforme telle que Wix. Cela permet alors à Automattic de séduire un nouveau public, utilisant plutôt WordPress en tant que service en ligne. Mais en faisant ce choix, Automattic privilégie son offre payante, balayant d’un revers de la main la communauté de professionnels utilisant et faisant progresser leur outil open source. Je ne leur jette pas la pierre, business is business. Mais partant de ce postulat, on peut légitimement se poser la question suivante : WordPress va-t-il rester un outil fiable pour les concepteurs de site Internet ?

Sans annoncer la fin de WordPress (il ne faut pas déconner non plus), il te faut garder en tête que l’histoire du web est remplie de géants qui se sont effondrés en un rien de temps. Et autant d’autres qui ont changé de politique, de fonctionnement, ou se sont remis en question sans crier gare. Ainsi, WordPress voulant devenir progressivement un outil grand public, il est normal de se demander s’il ne va pas continuer à s’éloigner des concepteurs professionnels de site Internet.

Classicpress à la rescousse

Par et pour les concepteurs de sites

Ces déconvenues, je ne suis pas le seul à les avoir rencontrées. De nombreux concepteurs les ont eues également. Et c’est en partant du même postulat qu’une équipe de développeurs a désiré proposer un fork à WordPress : Classicpress. De par son nom, tu l’auras compris, l’idée de base est de retrouver l’expérience de WordPress 4.9. Soyons clairs : la v1 de Classicpress est une ambulance pour sauver tous ces sites, qui étaient en train d’agoniser sur leurs serveurs tels des poilus dans les tranchées en 14. Et c’est sans douleur que cela s’est fait : grâce à un simple plugin de migration, en quelques clics le tour est joué. Mais tu t’en doutes, cela ferait beaucoup d’énergie dépensée pour si peu de choses.

Le concept de ClassicPress a été lancé par Scott Bowler le 18 août 2018. En moins d’une semaine, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre et des personnes ont commencé à se porter volontaires pour aider à transformer ClassicPress en réalité. Aujourd’hui, l’équipe est constituée d’une quinzaine de bénévoles, ainsi que d’une petite communauté de professionnels.

La promesse de Classicpress est simple : apporter une solution satisfaisante aux professionnels, dans l’objectif de leur permettre de réaliser un site Internet sans perdre de temps. La messe est dite, c’est clairement aux déçus de WordPress que Classicpress s’adresse. Et son slogan l’assume : Puissant. Polyvalent. Prévisible. Prévisible dans le sens de stable, car il n’y aura pas de mauvaise surprise et on peut se projeter avec. Dans cette continuité, le staff de Classipress a mis en place un système de pétitions : il s’agit d’un forum où un utilisateur poste son idée. Les idées qui rencontrent le plus de votes sont étudiées par le comité directeur. Celles retenues sont ensuite ajoutées à la roadmap du projet.

Pour résumer, voici les engagements de Classicpress :

  • Conserver une orientation professionnelle et commerciale
  • Faciliter la discussion démocratique et la prise de décision
  • Répondre d’abord aux besoins des utilisateurs

Classicpress vs. WordPress

L’équipe de Classicpress n’a pas non plus jeté le bébé avec l’eau du bain, puisque toutes les mises à jour de sécurité de Classicpress suivent celles de WordPress. Donc de ce côté, RAS. Le staff de Classicpress fait d’ailleurs de la sécurité son cheval de bataille : le staff espère pouvoir apporter de nouvelles améliorations et faire de Classicpress la meilleure solution qui soit pour réaliser des sites professionnels.

Il en est de même du côté des dépôts : thèmes et plugins sont tout autant accessibles et compatibles, pour la très grande majorité d’entre eux. Enfin, du côté de l’installation et de l’administration, on s’y retrouve totalement. Il y a toutefois quelques ajustements qui ont commencé à être apportés. Par exemple, l’élimination de quelques ressources devenues inutiles a permis de gagner en vitesse de chargement et d’exécution. Les développeurs trouveront aussi leur bonheur par quelques changements spécialement pensés pour eux et déjà mis en place.

À ce jour, Classicpress est donc une version de WordPress 4.9.x améliorée. Alors quel intérêt, me demanderas-tu probablement ? À la différence de WordPress qui s’est toujours voulu ouvert à tous, l’ambition de Classicpress est de devenir un choix sérieux à destination des professionnels et des entreprises. Et c’est tout l’intérêt de la v2, qui devrait voir le jour très prochainement.

Une roadmap qui tient la route

Tout d’abord, la v1 est une version LTS, ce qui signifie qu’elle sera maintenue durant des années, même après qu’Automattic ait signé la mort du Classic Editor. Ce n’est évidemment pas recommandé d’avoir un site trop vieux, ne serait-ce que parce qu’un webdesign est un consommable et pour des raisons de sécurité. Mais tu connais les gens, et certains vont parfois se contenter de leur outil pendant longtemps, même après que celui-ci soit devenu totalement obsolète.

Concernant la v2, celle-ci commencera quant à elle à s’éloigner assez concrètement de WordPress :

  • Plusieurs fonctionnalités devenues anciennes ou trop peu utilisées seront transférées dans des plugins à part, afin d’alléger le CMS.
  • L’interface va bénéficier de nombreuses améliorations orientées concepteurs, sur la base des recommandations de la communauté.
  • De nombreux éléments propres à WordPress et n’ayant aucun intérêt pour les professionnels vont être supprimés.
  • Classicpress disposera de son propre répertoire de plugins, en complément de celui de WordPress.
  • Plusieurs grands éditeurs de plugins WordPress semblent s’être engagés à une compatibilité avec la v2.
  • La version minimale de PHP passera à 7.x (si tu es développeur, je te laisse consulter leur roadmap qui détaille leur démarche que je trouve intelligente).

Même si l’équipe est dans une démarche de compatibilité, il est fort probable que quelques plugins ne soient pas compatibles avec la v2. C’est une réalité à prendre en considération et l’équipe de Classicpress semble en être parfaitement consciente, comme on peut le lire sur la roadmap.

Testé et approuvé

Sur Twitter, quelqu’un m’a posé la question suivante : est-ce que j’utilise Classicpress en production ? Et bien oui. En dehors de deux exceptions, l’intégralité des sites que je gère tourne désormais sur Classicpress. Initialement j’ai commencé par mon blog personnel (dont le deuxième prénom est « cobaye »), pour ensuite migrer tous les sites rencontrant des soucis avec WordPress 5. Et finalement, par anticipation et pour des raisons d’organisation, j’ai fini par presque tous les migrer. Quant à mes nouvelles créations de sites Internet (coucou Google), elles sont directement montées avec Classicpress, afin d’éviter de perdre du temps. Je vois aussi ça comme un effort de guerre : si personne ne montre son soutien à cette initiative, comment peut-elle se développer ? La migration de WordPress vers Classicpress étant réversible, je ne perds pas grand-chose. Bien au contraire, c’est même un moindre risque compte tenu des évolutions à venir de WordPress.

Il y a dix ans, alors que WordPress avait seulement six ans, je faisais partie de cette minorité à vanter l’intérêt de WordPress pour la conception de site Internet. Convaincu que ça allait devenir un standard, je me souviens encore du nombre de reproches qu’on a pu me faire. C’était un outil seulement pour le blogging, me disait-on alors, ou encore me faisait-on remarquer que ce n’était pas intégralement codé par moi-même, etc. Je te laisse imaginer ! Et pourtant, aujourd’hui on constate que c’est un incontournable pour les demandes courantes. En termes de prospective, j’ai toujours eu le nez fin, alors suis mon conseil : surveille de près l’évolution de Classicpress. Si la v2 tient ses promesses, il ne fait aucun doute que Classicpress parviendra à prendre quelques parts de marché et qu’il apportera des avancées intéressantes.

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Sébastien DROUIN

Consultant en communication, dirigeant de L'Aetherium, designer graphique, ingénieur de formation, AI prompt engineer, zèbre et agitateur d'idées. J'aide les entreprises à multiplier leurs ventes grâce au web 🚀

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